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L'Empire des sens
Japon | 1976 | 01h45
Réalisation : Nagisa Ōshima
Avec : Eiko Matsuda, Tatsuya Fuji
Interdit aux moins de 16 ans.
1936, dans les quartiers bourgeois de Tokyo. Sada Abe, ancienne prostituée devenue domestique, aime épier les ébats amoureux de ses maîtres et soulager de temps à autre les vieillards vicieux. Son patron Kichizo, bien que marié, va bientôt manifester son attirance pour elle et va l'entraîner dans une escalade érotique qui ne connaîtra plus de bornes.

Eros et Thanatos sont dans un bateau, Eros tombe à l’eau. Qu’est-ce qu’il reste ? Le film de cul le plus noir, le plus cru et le plus violent jamais tourné.
Hitchcock racontait à Truffaut l’histoire qui avait inspiré la grande scène d’amour des Enchaînés où Cary Grant et Ingrid Bergman parlent de tout et de rien sans cesser de s’embrasser. D’un train, Hitchcock observait un couple marcher bras dessus, bras dessous le long d’un mur de brique: l’homme s’arrête pour pisser contre le mur, la femme ne lâche pas son bras et attend placidement qu’il ait fini en le regardant faire. Ces deux-là auraient mérité d’être les amants de L’Empire des sens. En revanche, Hitchcock, qui rêvait de montrer l’amour physique, n’a jamais osé le faire et il a bâti toute son oeuvre sur cette frustration. Comme James Stewart dans Fenêtre sur cour, le cinéma n’a jamais fait qu’imaginer ce qui se passe vraiment dans la chambre des jeunes mariés. Honteux de son propre manque d’audace, il s’est très vite inventé un genre à part, le porno, et lui a entièrement délégué la lourde tâche de filmer le coït. La frontière est sans ambiguïté: ce que le cinéma, et tout particulièrement le cinéma dit érotique, se donnera un mal de chien à simuler, le porno le fera pour de vrai. Et surtout, il ne fera rien d’autre. Plus grave, il le fera rarement bien et deviendra le domaine réservé des médiocres et des paresseux. Un artiste brouillera les cartes en poussant enfin la porte de la chambre: ce sera L’Empire des sens, le plus beau film pornographique du monde. Au début des années 70, la France pompidolienne voit déferler toute une vague de films érotiques ? sans sexes turgescents ? qu’on va voir en famille. Anatole Dauman, le rusé producteur de Resnais et Bresson, propose à Nagisa Oshima de faire un vrai porno . Oshima tournait autour du pot depuis ses tout premiers films et l’offre de Dauman le plonge dans des abîmes de perplexité, tant la réalisation de son vœu le plus cher lui semble soudain proche. “Depuis Les Plaisirs de la chair, les films que j’ai réalisés n’ont cessé d’avoir trait à la sexualité. Mais j’ai évité avec une attention minutieuse une mise en scène qui aurait pour centre l’acte sexuel lui-même. J’avais pris la décision de ne réaliser de tels films que si j’étais sûr de parvenir à une expression radicale de la sexualité. Une radicalisation de cette expression devait aboutir à ce terme : filmer les coïts tels quels. Un metteur en scène veut filmer l’être humain en train de mourir. Et il veut filmer un homme et une femme, ou bien un homme et un homme, ou bien une femme et une femme, ou bien un être humain et un animal, en train d’avoir des rapports sexuels” écrit Oshima. Il finit par envoyer un scénario d’après l’histoire vraie d’Abe Sada, une serveuse d’auberge qui, en 1936, tua et émascula son patron et amant avant d’être arrêtée, errant dans Tokyo avec la queue du défunt dans la main. Pour échapper à la censure japonaise, la pellicule vierge est d’abord exportée de France vers le Japon, puis renvoyée à Paris pour développement. Ce système empêche Oshima d’assister à la projection des rushes et donc de suivre l’avancement de son film. Sa réussite n’en est que plus fascinante. On a évoqué l’influence de Sade et de Bataille dans L’Empire des sens. Mais, s’il est évident qu’Oshima connaît ces deux auteurs, c’est d’abord un cinéaste politique qui a beaucoup lu Marx. Son héroïne est une victime sociale, une pauvre fille de salle, corvéable à merci, tout juste sortie de la prostitution. Elle est la petite sœur des geishas de Mizoguchi. La première fois que son patron la désire, elle est à genoux, en train de nettoyer par terre, et il ne peut voir d’elle que son cul. Par la seule force de son désir, elle réussit à inverser le rapport social en sa faveur et, au propre comme au figuré, à prendre le dessus sur son ancien exploiteur imposant son plaisir. Dès lors, elle va poursuivre sans relâche son idéal d’amour fou. Retirés du monde, reclus dans les multiples chambres de “la corrida de l’amour” (comme le dit bien le titre original), les deux amants n’ont plus le choix: il leur faut se suffire à eux-mêmes. Prisonniers de leur rêve autarcique, ils ne peuvent plus que s’entre-dévorer et utiliser leurs propres sécrétions comme dernier moyen de subsistance. Hymne à la jouissance féminine, le “continent noir dont parlait Freud, le film tourne longuement sur lui-même comme une toupie. Les scènes s’étirent de plus en plus à mesure que le rituel amoureux se ralentit à la recherche de l’orgasme ultime. Jusqu’à ce que la toupie s’arrête et s’immobilise, jusqu’à la fin de la cérémonie, jusqu’à la mort.

Frédéric Bonnaud, Les Inrocks
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