Réalisation : Sébastien Laudenbach
Avec : Avec les voix de Jérémie Elkaïm, Anaïs Demoustier, Philippe Laudenbach
Un conte peu connu de Grimm, adapté avec un sens très original du dessin et de la matière picturale.
N’eût été Ma vie de courgette, ses couleurs hivernales et son foyer d’enfants perdus, la sensation du festival d’Annecy, et par voie de conséquence de toute l’animation française cru 2016, aurait sans doute été ce film aux teintes plus printanières. L’adaptation d’un conte méconnu des frères Grimm qui narre la renaissance d’une fille de paysan, négligée par son père, damnée par le diable, privée de ses mains et évadée dans une contrée lointaine où l’attend un prince.
Encore que. La Jeune Fille sans mains aurait sûrement conservé une place un peu à côté, une singularité que la bande-annonce entretient scrupuleusement à travers l’expression de “film dessiné”, dégageant le vocable plus établi de “film d’animation” et celui, plus populaire, de “dessin animé”.
Pourquoi film dessiné ? Parce que La Jeune Fille sans mains est typiquement un de ces films d’animation qui n’arrachent pas la mobilité virtuelle des formes à leur essence fixe. Le support ne s’estompe pas derrière un univers dynamique de forces et de mouvements, les corps ne sont pas toujours soumis à la gravité terrestre ou à l’inertie de leur course, mais à la liberté du trait et aux caprices de la couleur.
A même la palette
La chose la plus mobile, la plus vivante du film, c’est cette matière même du dessin que Sébastien Laudenbach a d’abord travaillé seul, au pinceau, faute de pouvoir produire plus confortablement ce projet qu’il s’échine à monter depuis de longues années.
Lavis empilés, effets d’esquisse, gerbes de peinture, bruissement frissonnant des éléments mobiles, arrière-fond comme une dilution colorée du premier plan, comme si le film s’écrivait à même sa palette et non pas sur la toile : La Jeune Fille… joue moins d’un défilement régulier de photogrammes que d’un principe de superposition, de sous-couches et de transparence.
Avec un sens très japonais du vide et du plein (on pense à Takahata), se joue ici tout un art de l’ellipse, du minimalisme et de l’écriture du manque – écho ironique à un conte dont l’élément crucial (les mains) fait justement défaut.