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Sans Adieu
Séance suivie d'une rencontre avec Pierre Vinour, producteur du film, en partenariat avec l'Acid.
Lundi 4 décembre 2017 - 20h30
Christophe Agou et les âmes que cache le Forez
Juste avant sa mort en 2015, le photographe signait «Sans adieu», un documentaire poétique et sensible sur des paysans auvergnats face à la désertification.
Christophe Agou (mort en 2015, à 45 ans, juste après avoir achevé le premier montage de Sans adieu) était photographe. En 2010, il avait consacré un bel ouvrage à des fermiers de sa région natale, le Forez, en Auvergne (Face au silence, Acte Sud). Résidant à New York, il venait régulièrement leur rendre visite depuis 2002 et, parallèlement à son travail photographique, il les filmait avec une petite caméra DVcam, longtemps sans penser qu’il en ferait un film (l’idée est venue en 2010 du cinéaste et producteur Pierre Vinour, qui a porté le film jusqu’au bout). C’est la première chose qui frappe dans Sans adieu : le côté brut de ces plans qui n’ont d’abord existé que par la nécessité d’enregistrer pour enregistrer, dans une sorte d’urgence à préserver une réalité négligée, abandonnée. Lorsqu’il filmait, Agou ne cherchait pas à faire de belles images, mais à rendre compte de quelque chose de plus essentiel et concret. Les compositions et les angles étranges de ses plans (beaucoup de plongées et de contre-plongées) n’apparaissent jamais comme des coquetteries esthétiques mais répondent à la volonté d’accorder une grande place aux bêtes, aux objets, aux matières (terre, rouille, suie…) qui constituent le milieu où vivent les êtres qu’il filme, jusqu’à parfois adopter un point de vue quasi animal (celui du chien ou de l’oie, voire des mouches). D’où l’étrangeté poétique qui en découle, éminemment physique, tactile (sensation que renforce la rugosité de l’image DV, support que le cinéaste a tenu à garder jusqu’au bout).
Poésie brute, sale, bancale, qui rappelle parfois celle de Jean Vigo (jusque dans la langue : Claudette parle un peu comme le père Jules de l’Atalante). Claudette, Jean, Christiane, Jean-Clément, Raymond et les autres appartiennent à une paysannerie vouée à disparaître. Tous le savent parfaitement, et ils en portent déjà le deuil. Mais ce qui est admirable chez eux, c’est qu’ils comptent bien tenir jusqu’au bout, sans céder à rien, préférant la colère à la plainte, loin des clichés du paysan taiseux. Il faut voir Claudette crier contre ses bêtes ou hurler son bon sens aux représentants des services sociaux. Avec une langue unique, quasi célinienne, tous font preuve d’une extraordinaire lucidité : ce «progrès matérialiste» et son «semblant de bien-être» (comme dit Jean-Clément), ce monde de profit qui les rejette, qui avance sans eux, ils n’en voudraient de toute façon à aucun prix.Vieux, voûtés, tannés, seuls, isolés, ils résistent corps et âme, parfaitement conscients du mépris dont ils sont les victimes. Par exemple, Jean-Clément, celui dont les raisonnements sont les plus tranchants, se montre admirable le matin où l’on vient chercher son cheptel de bovins pour l’abattre, l’«assassiner», parce que susceptible d’être atteint de la maladie de la vache folle. Il refuse de laisser partir ses bêtes, ce morceau de sa vie, tant que la fonctionnaire des services vétérinaires chargée du dossier ne sera pas sur place, comme prévu. C’est une question de principe : selon lui, c’est la moindre des choses que d’assister aux conséquences de ses décisions, de les assumer physiquement.
A cet absentéisme du pouvoir, à cette invisibilité de la violence légale, le cinéaste répond de la manière la plus simple et évidente : il fait acte de présence. Voilà ce que peut le cinéma. L’orgueil de ces êtres, mais aussi leur intelligence et leur rage, préserve le film de tout misérabilisme, de tout pittoresque. Agou ne cherche pas à nous les rendre plus présentables qu’ils ne sont, il ne nous les amène pas sur un plateau, il n’enjolive rien mais nous permet au contraire d’entrevoir leur monde tel qu’il est, dans toute sa matérialité, sa brutalité, sa dignité rageuse et tendre, pour que nous comprenions qu’ils ne sont pas des vestiges d’un passé révolu, mais nos contemporains, incroyablement en vie bien que cernés par la mort.
Marcos Uzal, Libération.
Sans Adieu
France | 2017 | 01h39 |
Réalisation : Christophe Agou
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tél: 02 98 53 74 74 
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