Frankenstein
Compte rendu de la formation animée par Boris Henry dans le cadre de Collège au cinéma pour les enseignants des classes de 4ème et 3ème. A travers une analyse approfondie du récit et de sa construction Boris Henry aborde les principales thématiques du film en le replaçant dans son contexte historique et cinématographique, le cinéma fantastique américain des années 1930-1940.
VMardi 14 octobre 2014 Cinéma Quai Dupleix
9h : Projection
10h30 - 12h30 : Analyse par Boris Henry, rédacteur , formateur et intervenant pédagogique pour des dispositifs scolaires.

Docteur en "Lettres et Arts" depuis 2003. Il a centré ses recherches sur la question du corps dans l'œuvre du cinéaste Tod Browning et est l'auteur d'un livre consacré au film Freaks. Depuis 2008 il est chargé de cours en histoire du cinéma à l'Université Aix-Marseille.
Le réalisateur

James Whale (1889 – 1957)       
Réalisateur anglais, il découvre le théâtre en tant que prisonnier dans un camp lors de la 1ère guerre mondiale. D’abord metteur en scène de théâtre, il fait ses premiers pas dans le cinéma en 1930. Sa carrière au cinéma est très courte, mais en 11 ans, entre 1930 et 1941, il arrive à réaliser quand même 21 films. Souvent étiqueté comme cinéaste fantastique, il tenait à être reconnu comme réalisateur aux genres différent. Sa vie, à peine romancée, a été illustrée en 1998 par le film Ni dieux ni démons réalisé Bill Condon d'après une biographie Le Père de Frankenstein de Christopher Bram.
Contexte historique et cinématographique 
Dracula de Tod Browning (1931)
Pendant les années 30 et 40 le cinéma américain a été envahi par une deuxième vague de films qui font partie de ce qu’on appelle le cinéma fantastique, la première étant composée par des films muets alors que pour la seconde il s’agit  de films parlants. Le premier film à être considéré par les historiens du cinéma comme celui qui ouvre cette nouvelle vague du cinéma fantastique américain parlant est Dracula de Tod Browning suivi par Frankenstein de James Whale, les deux réalisés en 1931. Le film a du succès et Whale réalise donc la suite en 1935 La fiancée de Frankenstein avec les mêmes acteurs qui ont participé au premier tournage.Tous ces films abordent la question de l’humanité du monstre qui est reprise dans plusieurs films comme Freaks de Tod Browining ainsi que dans des films plus récents comme Elephant Man de David Lynch ou Edward aux mains d’argent de Tim Burton.
Les effets de la crise économique de 1929 sur les productions de cinéma
La production de films fantastiques aux Etats-Unis pendant les années 30 et 40 était très prolifique, une grande quantité de film a été réalisée dans la décennie. La crise économique de 1929 a causé une grande dépression même au niveau du cinéma ce qui a favorisé l’apparition et le développement de différents genres : 
  • la comédie pour divertir les spectateurs et leur faire oublier leurs problèmes  
  • les films de gangster qui montrent la réalité des guerres de gangs et des règlements de comptes liés à la période des interdictions (prohibition) 
  • les films fantastiques, qui montrent aux spectateurs que même s’ils sont dans des situations compliquées il y a des situations encore pires comme se retrouver dans un château avec un vampire ou avec un monstre

  • En 1925 au Tennessee se tient le célèbre « Procès du singe » contre un professeur de l’école publique de Dayton, John Thomas Scopes, accusé d’avoir enseigné à ses élèves la théorie de l’évolution de Darwin. A l’époque une loi est en effet en vigueur, le Butler Act, qui interdit aux enseignants d’apprendre la théorie de l’évolution en contradiction à l’histoire de la création divine de l’homme contenue dans la Bible. Le procès, qui oppose les fondamentalistes chrétiens aux libéraux, a connu une forte résonance dans tout le pays et, bien que Scopes ait été condamné, la victoire médiatique est généralement attribuée aux évolutionnistes.   
    Les films fantastiques de l’époque reflètent donc ce contexte : dans Frankenstein la question de la création est en premier plan. Les personnages se réfèrent à la créature en utilisant le pronom anglais IT qui indique généralement les objets : elle est en effet de la matière inanimé - composée de bouts de cadavres - qui n'a jamais été vivante et à laquelle il faut donner la vie.    
    Le film fait aussi référence aux théories de Freud concernant le rapport entre refoulement et acceptation :est-ce que le docteur Frankenstein accepte son choix ? Il se compare au Dieu créateur au débout mais il rejette sa création aussitôt.
    Contexte cinématographique
    Universal a été le studio porteur de cette vague de films fantastiques. En 1929 les studios traversent une période de crise et utilisent donc la production de films fantastiques pour se relancer.
    Voici les titres des films fantastiques qui ont eu le plus de succès ,produits par Universal : Double assassinat dans la rue Morgue, La Momie, L’Homme Invisible, Dracula, Frankenstein, Le chat noir, la fiancée de Frankenstein, Le corbeau, Le monstre de Londres, Le fils de Frankenstein.        
    Aucune grande star ne jouait dans ces films mais le succès portait sur une mise en scène inventive.

    Les caractéristiques principales les plus récurrentes de cette vague fantastique sont les suivantes : 
  • Une grande production sur une courte période              
  • Une grande concurrence entre studios qui se crée à il faut savoir innover (innovations techniques comme l’utilisation du Technicolor bichrome par Warner, innovations des scénarios et des histoires avec des nouveaux personnages)           
  • Jeu sur l’animalité qui renvoie aux théories de Darwin et de Freud sur la part animal de l’homme (exemple : chauve-souris qui se transforme etc. )            
  • Transformation d’un personnage souvent présente dans les scénarios (souvent une jeune femme qui est fascinée par les forces obscures)
  • Jeu sur la cruauté (exemple : Fritz avec le fouet)
  • Amours à travers les époques
  • Affrontement entre science traditionnelle et science irrationnelle
  • Efficacité narrative
  • Localisation précise (exemple: les Carpates pour les vampires, l'Egypte pour les momies, etc.)
  • Utilisations des fondus enchaînés pour indiquer des ellipses et pour dynamiser le récit
  • Musique illustrative
  • Présence d’affrontements verbaux et physiques qui montrent des rapports compliqués et tourmentés entre les personnages
  • Utilisation d’humour pour désamorcer la tension (ex dans Frankenstein du Bourgmeister et du père)
  • Beauté plastique
  • Influence de l’art déco (1925) avec l’introduction de formes et de motifs géométriques (spirales, diagonales,etc.)
  • Dimension psychanalytique (monstres = passions refoulées, ça suscite désire et admiration)
  • La plupart de ces films n’a jamais été censurée même si on était à l’époque du code Hays
  • Importance des sons et des bruitages (ex la foudre, le vent, la pluie) qui peuvent susciter la peur. Dans Frankenstein il n’y a pas de musique extérieure mais intra diégétique, donc les sons ont une importance d’autant plus cruciale      
  • On assiste aujourd'hui à un vrai renouveau de cette vague fantastique avec des remakes ainsi que des nouvelles productions que les élèves connaissent très bien et qu’il est important d’exploiter lors de l’étude du film.
    Genèse du film
    Frankenstein ainsi que Dracula, tout comme d’autres films fantastiques, sont des films adaptés de pièces de théâtre et de romans. Le scénariste de Frankenstein a adapté le roman de Mary Shelley avant pour le théâtre et ensuite pour le cinéma. 
    Jack Pierce et son assistant préparent le maquillage de Boris Karloff sur le tournage de Frankenstein
    Un grand travail de préparation au niveau du maquillage et du déguisement du monstre a été nécessaire pour Jack Pierce, créateur du maquillage très célèbre.
    Le film a été tourné en 35 jours, un temps très serré qui a nécessité une grande efficacité à laquelle correspond une efficacité narrative qui se reflète sur la fluidité de la narration.               
    Plusieurs  modifications ont été faites après le montage après projection, comme par exemple : 
  • La phrase du docteur Frankenstein« Je sais ce que Dieu ressent » a été coupée et réinsérée ensuite
  • La créature ne mourrait pas à lafin pour pouvoir réaliser une suite
  • La scène de la mort de lafillette a été enlevée et réintroduite 29 ans plus tard
  • Le fantastique et les personnages des savants fous
    Donner des pistes de définition du fantastique en général et au cinéma.
    Définition de Todorov :
    Pour qu’il y ait du fantastique il faut qu’il y ait un doute. 

    A l’époque de sa sortie on parlait de Frankenstein comme d’un film d’épouvante, ce qui correspondrait maintenant au film d’horreur.
    Frankenstein suit un schéma qui est typique de l’intrigue de démesure qui implique des savants fous.
    Charles Tesson écrivait dans un article paru dans Les Cahiers du cinéma en 1982, Essai sur le cinéma fantastique, que le cinéma fantastique est comme un contrat.
    Frankenstein fait un contrat avec lui-même, il veut aller jusqu’au bout de son désir de création d’un être humain, coûte que coûte. Souvent les protagonistes des films fantastiques sont des scientifiques, des savants fous qui ont comme objectif principal de vouloir tout contrôler. Souvent ils sont en colère ou révoltés. Ils agissent secrètement avec un assistant, en cachette et contre la loi.
    Dans Frankenstein l’idée de la naissance est en premier plan : la scène dans laquelle le docteur donne vie à la créature est représentée comme la soutenance d’une thèse, avec le professeur, Elizabeth et le père en tant que spectateurs. Par la suite par contre le docteur Frankenstein n’assumera pas trop les conséquences de ses actes.                 
    Pistes d'exploitation
    Comment les élèves perçoivent le docteur Frankenstein ? Comment les élèves voient la créature ? Est-ce qu’ils la considèrent comme un monstre ou comme une victime ? La voient-ils comme un être humain ? Est-ce qu’elle est pour eux effrayante ou sympathique ? Éprouvent-ils de la compassion pour elle ?  

    La différence et l'altérité
    Parler de la créature amène à aborder le sujet de la différence et de l’altérité. La créature n’a rien demandé, mais une fois créée qu’est-ce qu’on en fait ? Question de l’altérité : nier l’altérité signifie nier l’autre (dimension dramatique très présente dans Frankenstein et encore plus dans La fiancée de Frankenstein).
    La créature est utilisée comme bouc émissaire et la scène de la chasse nous renvoient aux chasses à l’homme dans les Etats-Unis du sud avec les noirs, (voir aussi Fury de Fritz Lang et Les Chasses du Comte Zaroff). ainsi qu'à la question de la justice expéditive (loi du Talion).   

    La chronique sociale         
    Le film peut être vu aussi comme une chronique sociale : le réalisateur transmet beaucoup d’informations sur la société à travers la caractérisation des personnages (ex : comment le baron voit les villageois avec mépris). Beaucoup de films fantastiques et d’épouvante cachent une chronique sociale derrière. 
    Entre crainte et compassion
    La créature est sensée faire peur mais elle a peur. Par exemple, elle n’est pas vraiment consciente de ce qui s’est passé avec la fillette même si elle comprend qu’il y a quelque chose qui ne va pas et pour cette raison elle fuit. 
    Idée apprentissage : quand elle est avec la fillette elle regarde ses mains et elle prend conscience de son corps. Idée d’une créature fragile. Le corps n’est qu'un raccommodage ce qui en fait la singularité de sa tenue : entre force et fragilité, entre  crainte et compassion. 

    La particularité de la mise en scène
    Visuellement il y a aussi une juxtaposition des espaces sombres et des espaces lumineux ainsi que beaucoup d ‘éléments d’encadrement dans la mise en scène (surcadrage : effet de cadre dans le cadre, personnage dans une porte par exemple). Les lieux clos sont privilégiés et les prises de vue en plongée/contre plongée. 
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